Elections 2023 en RDC : Renouveler la classe politique ou professionnaliser tacitement les politiciens de carriere ?

La République Démocratique du Congo se prépare dans les mois à venir aux échéances électorales à différents niveaux. Il s’observe une tension pré-électorale qui montre l’enthousiasme avec lequel ces élections sont attendues. Mais ces élections sont aussi celles où de plus en plus il y a des voix qui réclament le renouvellement de la classe politique. Quoi de plus normal dans un pays où la longévité des acteurs politique s’apparente de plus en plus à une forme de professionnalisation du ‘métier’ du politicien. Pour un pays dont la moyenne d’âge est de 19 ans et dont une très grande majorité est constituée des jeunes, c’est donc de bonne guerre que de plus en plus des jeunes réclament leur place à la table de décision. Ou plutôt devrais-je dire aux tables des décisions, puisque même si dans les apparences le renouvellement réclamé par les jeunes concerne les premiers rôles dans les assemblées et ministères; ce renouvellement concerne aussi les rôles prépondérants dans les entreprises publiques, dans la diplomatie et agences internationales pour le compte de la république. Mais peut-on dire qu’au-delà des slogans sur le contenu du renouvellement tant chanté, il existe une ligne idéologique claire qui différencie ce que nous pouvons considérer comme l’ancienne classe politique face à la nouvelle ? Ce flou persistant, laissera donc place à l’affrontement des slogans, qui pourra facilement virer à une guerre intergénérationnelle.

Renouveler la classe politique ou la rajeunir ?


Certains en parlant du renouvellement de la classe politique impliquent indirectement le rajeunissement de cette dernière. Une forme de revanche des jeunes sur les vieux, dont certains sont aux commandes depuis plusieurs décennies troquant allégeances à chaque Président de manière devenu quasiment professionnelle. Et pourtant, renouvellement et rajeunissement sont deux concepts tout à fait différents, qui d’ailleurs impliquent chacun des méthodologies différentes pour y arriver. Si au sens idéal, le renouvellement signifie le fait de   ramener des nouveaux citoyens avec une éthique politique et un sens patriotique élevé, le rajeunissement quant à lui signifierait simplement renvoyer à la table des décisions des personnes dont la qualité première serait leurs âges, et donc des plus jeunes citoyens. Et pourtant la jeunesse en soi ne peut pas être considérée comme une qualité à même d’influencer positivement un acteur politique. Si rajeunir pourrait insuffler une nouvelle dynamique, ça ne répond pas essentiellement à la question que la situation actuelle de notre pays pose. Face à une classe politique sans éthique, monnayant allégeances au grès des avantages, rajeunir serait une réponse à une question qui n’est pas posée. Face au problème actuel, un renouvellement qui n’implique pas un engagement politique aligné sur les valeurs républicaines, par des politiques disciplinés et non carriéristes ne nous amènerait à rien. 

La Jeunesse en question : De 1960 à aujourd’hui.



En 1960 quand le pays accède à l’indépendance, une bonne partie des acteurs politiques de premier plan étaient tous jeunes. Patrice Emery Lumumba (35 ans), Antoine Gizenga (35 ans), Joseph Ileo (39 ans), Cyrille Adoula (39 ans), Paul Bolya (36 ans), Justin Bomboko (32 ans), Pierre Mulele (31 ans), Maurice Mpolo (30 ans) la liste peut être rallongée aux Jeunes Présidents que nous avons eu, comme Joseph Mobutu (35 ans) et Joseph Kabila (29 ans) qui, à eux deux ont dirigé le pays pendant près de 50 ans pour le résultat que nous connaissons. Il ne peut donc pas s’agir d’une quelconque revanche des jeunes sur les vieux car les jeunes ont toujours dirigé ce pays même si aujourd’hui il se retrouvent minorisés dans la pluspart des institutions.  Si en 1960, les jeunes étaient au premier plan de la lutte jusqu’à devenir les décideurs, c’est en grande partie parce qu’ils s’étaient battus pour occuper leurs places à la table de décision. Aujourd’hui, les gens revendiquent de plus en plus leurs droits d’accession à la classe décisionnelle via les réseaux sociaux et via les organisations obsolètes qui leur permettent de rester dans un certain confort; ce type de combat n’a rien à avoir avec celui d’un Lumumba, d’un Mpolo, d’un Okito qui étaient prêt à mourir pour leurs idéaux politiques. Aujourd’hui, derrière ces vieux  instables et versatiles que nous voulons remplacer, il y a des centaines des jeunes qui adulent la trajectoire politique de ces derniers et qui ne rêvent que de faire carriere en politique. La jeunesse d’aujourd’hui, ne peut pas réclamer plus d’espace comme celle d’hier tant qu’elle refusera de s’engager en politique et de lutter pour obtenir les changements souhaiter. 

Le Renouvellement en question.

Le renouvellement n’arrivera pas simplement parce que décréter et souhaiter par beaucoup. S’il est vrai qu’il est devenu indispensable aujourd’hui de repenser au renouvellement de la classe politique Congolaise, il est également important qu’aujourd’hui les efforts soient conjugués de manière à y arriver. Ces efforts doivent être conjugués à plusieurs niveaux :

v  Au niveau des partis politiques : Les partis doivent jouer pleinement leurs rôles en s’imposant des dirigeants réfléchis dont l’ethnique n’est nullement questionnable.  Tant que les partis politiques continueront d’entretenir et de promouvoir les plus faibles d’entre ses membres, il y aura trop peu de chance de renouveler la classe politique au vrai sens du mot.  Ces entités doivent pleinement jouer leurs rôles en formant ses membres et en choisissant ses dirigeants parmi les plus compétents. A ce niveau, ils pourront également faire œuvre utile en ayant en interne des textes qui permettent le développement des jeunes et des femmes.

v  Au niveau de la loi électorale : Je suis de ceux qui pensent que le retard dans lequel notre pays est plongé sur le plan de son développement nécessite des décisions fortes et courageuses pour propulser notre pays vers l’avant. Ceci passera par les lois contraignantes qui favorisent l’expérience, la compétence et l’éthique. Ceci peut également se transposer dans la loi électorale en mettant les conditions qui favoriseront l’émergence des députés, sénateurs et conseillers municipaux qui seront réellement à l’image de la classe politique renouvelée. Une loi électorale qui exclu par exemple tous ceux qui ont détournés par le passé, qui exclus ceux qui ne font preuve d'aucune expérience utile, qui exclus les cumuls des charges politique et surtout aider par une justice qui lutte fortement contre l'enrichissement illicite sera le socle d'un renouvellent dont ce pays a réellement besoin. 

Elections 2023, Professionnaliser ou renouveler ?

Il y a plusieurs années je disais que le politicien de carriere, est aujourd’hui un danger pour le développement de notre pays. Au vu de la transhumance actuel dans la classe politique Congolaise, je suis de plus en plus convaincu que nous devons décourager le politicien de carriere car il est en général prêt à tout pour maintenir son confort de vie. Si on veut se dire la vérité, on constatera tous que ceux qui ont volés beaucoup d’argent hier sont ceux qui auront facilement les moyens pour battre campagne en 2023, rendant ainsi difficile l’émergence des gens honnêtes même en cas de popularité. Ceci rendra les postes à élections directes et indirectes quasiment impossibles d’accès pour une certaines catégories des Congolais. Cette professionnalisation tacite du métier de politicien coûte des millions chaque année à la République sous forme des motions monnayées, sous formes des allégeances monnayées et bien d’autres vices répandues dans notre classe politique. Loin d’être une routine à laquelle on s’adonne tous les 5 ans, les élections doivent avoir un sens beaucoup plus profond pour nous, pays dits potentiellement riches, mais en réalité très pauvres et sous développés.

 Matamba Lukasu 

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