Entre partialité et silence sélectif : la CENCO peut-elle encore être médiatrice ?
La Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) a longtemps été considérée comme une force morale et un contre-pouvoir crédible dans un pays où les institutions souffrent d’un déficit chronique de confiance. Pourtant, aujourd’hui, à la lumière des faits, des contradictions et des silences volontaires, il est légitime d’affirmer qu’elle a perdu toute crédibilité pour prétendre à un rôle de médiateur national.
En 2018 déjà, dans le cadre de sa mission d’observation électorale, la CENCO avait déployé 40 000 observateurs et autant de smartphones, dans une opération logistique lourde estimée à plusieurs millions de dollars. Mais jusqu’à ce jour, aucun audit, aucun rapport public, aucune transparence sur l’origine exacte de ces financements n’a été produit. Pis encore, alors que l’abbé Nsholé affirmait que ces smartphones venaient de partenaires divers, « y compris arabes », le camp de Moïse Katumbi — par la voix d’Olivier Kamitatu — a clairement laissé entendre qu’il s’agissait d’un don direct de Katumbi lui-même. À cela s’ajoutent les visites très médiatisées du cardinal Fridolin Ambongo dans les fiefs de Katumbi, comme à Kashobwe, où il inaugura une église bâtie avec l’appui financier de ce dernier, tout en affirmant publiquement : « Sa foi compte pour nous ».
Un tel enchevêtrement de déclarations, de faveurs croisées, d’ambiguïtés politiques et de silences sélectifs jette une ombre sérieuse sur l’impartialité de la CENCO. Ce qui aggrave encore la situation, c’est l’incapacité flagrante de cette institution à critiquer avec la même fermeté les acteurs politiques tels que Moïse Katumbi, Joseph Kabila, ou même les groupes armés comme le M23. Ce dernier, appuyé par le Rwanda, continue de semer la terreur dans l’Est du pays. Or, la CENCO, prompte à critiquer le gouvernement actuel sur ses échecs sécuritaires, garde un silence troublant sur les agresseurs identifiés du pays, y compris Kigali. Ce silence est d’autant plus inacceptable qu’un haut responsable de la CENCO a reconnu publiquement avoir reçu un appui financier du Rwanda. Oui, l’agresseur même de notre pays, celui qui massacre nos compatriotes, financerait une mission d’observation électorale congolaise. Cette révélation, passée presque inaperçue dans les médias, est en réalité un aveu gravissime qui aurait dû pousser la CENCO à se retirer d’elle-même de toute prétention à la médiation.
Plus récemment encore, lorsque le vice-premier ministre Jean-Pierre Bemba a pointé du doigt la proximité suspecte entre la CENCO, Katumbi et Kabila, l’institution religieuse a répondu avec une condescendance étonnante, qualifiant ces accusations « d’inepties », sans jamais aborder le fond. Aucune justification. Aucune volonté de dissiper les doutes. Aucun engagement à la transparence. Rien. Ce type de réaction confirme ce que beaucoup soupçonnaient déjà : la CENCO ne veut pas rendre compte de ses choix politiques, ni de ses sources de financement.
Dans un contexte où le pays fait face à une guerre imposée, à une désinformation massive, à une crise de gouvernance, la neutralité des acteurs moraux est essentielle. Or la CENCO a, par ses actes et omissions, choisi un camp. Elle ne critique que certains. Elle dialogue avec certains. Elle se tait devant d’autres. Et elle accepte de l’argent d’un pays qui tue des Congolais.
Dès lors, elle ne peut plus se présenter comme arbitre. Elle ne peut plus revendiquer le rôle de médiateur national. Elle a trahi l’esprit de justice, de vérité et de neutralité évangélique. Elle a fait de son autorité morale un instrument politique. Le peuple congolais, qui mérite une Église libre, courageuse et impartiale, se retrouve désormais face à une institution qui a préféré les alliances obscures à la lumière de la vérité.
Matamba Lukasu
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